L’Académie française de médecine en 2019 défendait les cigarettes électroniques contre l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui d’après cette organisation étaient « incontestablement » nocives pour leurs usagers. Cette fois, c’est au tour du Pr Bertrand Dautzenberg de prendre position en faveur de la vape, face au Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Bien qu’auparavant, le HCSP considérait la cigarette électronique comme un « outil d’aide à l’arrêt du tabac chez les populations désireuses de sortir du tabagisme», l’instance a fait volteface, début janvier 2022, en estimant qu’elle « ne peut pas à ce jour être présentée comme un outil de réduction des risques liés au tabac » dans son avis sur les bénéfices-risques de la cigarette électronique publié le 4 janvier (article associé).
Qui est le Pr Bertrand Dautzenberg?
Bertrand Dautzenberg est un médecin et professeur de médecine français, tabacologue à l’institut Arthur-Vernes. Il enseigne la pneumologie, en particulier la tuberculose et la tabacologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le tabagisme et a coordonné en mai 2013 un rapport sur la cigarette électronique pour le ministère français de la Santé. En avril 2015, il préside la commission de normalisation AFNOR sur les cigarettes électroniques et E-liquides. Il sera le président pendant six ans de cette même commission AFNOR.
Son avis sur l’avis du HCSP.
C’est dans un entretien réalisé par le Point en date du 11 janvier que le Pr Bertrand Dautzenberg prenant à contre-pied, l’avis rendu par le Haut Conseil de Santé Publique, défend la cigarette électronique et prend position en faveur de la vape comme outil d’aide au sevrage tabagique.
« Le Haut Conseil de Santé Publique estime que les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour recommander l’utilisation de ce dispositif comme moyen de sevrage tabagique parce que le niveau de preuve dont on dispose n’atteint pas celui exigé pour un médicament. »
« Les études laissent la place à certaines incertitudes. Mais comment gérer l’incertitude scientifique dans la pratique courante ? C’est là toute la question. Le HCSP en conclut que les médecins ne devraient pas « se mêler » de vape et qu’ils ne devraient pas conseiller la cigarette électronique pour arrêter de fumer.»
Le Pr Dautzenberg pense que c’est une prise de position uniquement morale et que cette position peut être très contre-productive. « Il existe en France une nébuleuse de lobby « antivape », regroupant généralement des chercheurs qui lisent les revues scientifiques, mais qui écoutent probablement mal les patients fumeurs et vapoteurs. En tant que médecin praticien, je pense que l’écoute de nombreux patients permet de prendre de bonnes décisions là où la science n’apporte pas de réponses définitives. »
C’est le propre de la recherche, le doute, l’incertitude, dans la quête de preuves… Les compilations de données sur l’usage de la cigarette électronique à l’heure actuelle ne font pas un consensus suffisant pour être reçues et admises comme un fait absolu par la communauté scientifique. Le principe de précaution s’appliquant dès lors, mais face à l’épidémie mondiale de tabagisme, qui chaque année fait près de 75 000 morts en France, l’expérience, l’expertise et le pragmatisme des professionnels de santé sur le terrain ne devraient-ils pas être pris en compte ?
Pour le professeur Dautzenberg, les conclusions de l’avis du HCSP sont paradoxales.
D’un côté les auteurs de l’avis du HCSP, le soulignent eux-mêmes : « aucun élément, pour l’instant, ne permet de dire que vapoter présente un risque significatif. » et « admettent que la cigarette électronique peut aider certains fumeurs à cesser de fumer, mais à condition qu’ils passent à l’acte seuls ! Ils disent que les médecins n’ont pas à la conseiller. » […] « Le HCSP explique que les médecins ne doivent pas s’occuper de vape, en particulier pour ces « vapo-fumeurs », ce qui me semble une erreur. Les médecins compétents peuvent, au contraire, les aider, notamment en réglant les concentrations de nicotine, en conseillant les sels de nicotine, voire en ajoutant un patch. »
Plus que jamais face à des prises de position « contre productives » qui frappent les cigarettes électroniques, les vapoteurs, professionnels de la vape, et les professionnels de Santé doivent se mobiliser et faire front commun pour convaincre les décideurs de la justesse de la cause que représente la vape dans la lutte contre le tabagisme.