La sentence est tombée ce lundi 4 décembre 2023. L’interdiction de la cigarette électronique jetable puff a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, par 104 voix.
Une belle victoire pour la planète, mais une bien triste conclusion pour le monde de la vape, qui aura vu l’un de ses produits pris pour cible et accusé à tort, qu’importent les preuves scientifiques. Voilà qui pourrait créer un dangereux précédent…
À l’Assemblée nationale ce 4 décembre 2023, des députés unis et unanimes sur l’interdiction de la puff
« Notre objectif de ce soir est simple : celui d’interdire les puffs », a déclaré Francesca Pasquini, la députée française à l’origine de la loi, ce lundi 4 décembre 2023 dans l’Hémicycle.
Effectivement, l’adoption de la proposition de loi n°464 « visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique » n’a bien été qu’une simple formalité. Elle a même fait l’unanimité, avec 104 voix.
Il faut dire que, depuis son enregistrement à la Présidence, le 15 novembre 2022, elle avait déjà bénéficié du soutien de 166 députés de 8 groupes politiques différents (ce qui en faisait déjà une loi à caractère transpartisan), comme de celui de la cheffe du gouvernement, qui s’était exprimée à son sujet en septembre dernier.
Pour être effective, la loi devra tout de même en passer par le Sénat, et obtenir le feu vert de l’Union européenne. Alors, comme le stipule l’article L.3513-5-1, deviendront interdites « la fabrication, la vente, la distribution ou l’offre à titre gratuit des dispositifs électroniques de vapotage jetables ou à usage unique mentionnés au 1° de l’article L. 3513‑1, à l’exception des cartouches ».
Et, au vu de la polémique que la puff suscite partout, tout porte à croire la mesure inarrêtable. Car, plus que son indiscutable impact écologique, cette cigarette électronique est continuellement accusée du même mal : celui d’inciter les jeunes à vapoter par un marketing ciblé et des saveurs sucrées, puis de les rendre accros à la nicotine, et ainsi, de les pousser à fumer…
Interdiction de la puff en France : lorsque les mauvais arguments l’emportent…
Si la puff est indéfendable d’un point de vue environnemental, il n’en est pas de même d’un point de vue sanitaire. Son caractère jetable mis de côté, la puff n’est rien de moins qu’une cigarette électronique prête à l’emploi. Elle n’est donc ni plus dangereuse ni plus addictive qu’une vapoteuse ordinaire – toujours définie comme 95 % moins nocive que le tabac, au moins, rappelons-le.
Pourtant, lorsqu’il s’agit de lui prêter toute sorte de mauvaises intentions sanitaires, ses détracteurs s’en donnent à cœur joie. Ainsi, la puff est-elle rendue dangereuse par la présence de nicotine, cette « substance vénéneuse et à double effet psychotrope », nous dit la députée écologique, qui semble oublier :
- Que la nicotine n’est un poison que lorsqu’elle est consommée au-delà des quantités autorisées, ce qui n’est pas le cas ici, puisqu’une puff est soumise aux mêmes réglementations qu’un produit de la vape ou n’importe quel autre produit du tabac ;
- Que tout substitut nicotinique reconnu et promu par le gouvernement en contient également (et à plus fortes doses…), sans que cela ne pose apparemment question.
Pour Francesca Pasquini, tout argument semble donc bon à prendre, aussi discutable soit-il.
Trop nicotinée quand elle n’est pas trop récréative, car ne contenant pas de nicotine, la puff est également jugée trop compacte ou trop discrète quand elle n’est pas trop visible ou trop colorée.
D’après la députée à l’origine de la loi, de telles caractéristiques (bien qu’on ne sache pas vraiment lesquelles), poussent des « commerçants aussi divers que des magasins de décoration, des kiosques à journaux ou des grandes surfaces d’en proposer à leurs clients ».
Aussi, alors que d’autres mesures comme le renforcement des contrôles liés à l’âge ou encore l’interdiction de vente hors sites spécialisés (bureaux de tabac et vape shops) pourraient s’avérer bien plus pertinentes, le gouvernement français préfère plus volontiers l’interdire totalement. Après tout, la faute revient tout entière aux attributs « attrayants » de la puff, non à ces revendeurs qui y ont vu une manne financière supplémentaire, la proposant même en libre-service !
Pire encore, selon la députée, elle ne serait, depuis le départ, qu’un piège tendu par les industriels du tabac pour « compenser le risque que les générations à venir ne fument plus du tout ».
Encore une fois, un produit du vapotage se retrouve, dès que cela arrange, associé à l’industrie du tabac afin d’accentuer son côté dangereux. Pour ce faire, quoi de mieux que de dénoncer un vaste complot, et de le tenir responsable du désastreux échec de la politique antitabac du pays !?
Loin de mettre en parallèle les chiffres du vapotage et du tabagisme chez les jeunes (qui descend partout où la vape est privilégiée), ou encore de s’intéresser aux multiples études attestant, non d’un effet passerelle de la vape vers le tabac, mais bien d’un effet barrière, qui aide à lutter contre le tabac, la députée écologiste l’affirme sans vergogne : « L’interdiction des puffs est une étape nécessaire pour protéger la santé de nos concitoyens ».
Quant à son co-rapporteur, le député et pourtant médecin Michel Lauzzana, il semble se satisfaire des seuls chiffres – étrangement alarmants – rapportés par Alliance Contre le Tabac (ACT), que tous savent pourtant profondément antivape. On le comprend bien assez vite : la nuance n’a pas sa place ici.
Que va-t-il advenir de la vape ?
Au vu des arguties utilisées ici pour justifier l’interdiction de la puff, on peut se demander si la vape dans son intégralité n’est pas la prochaine sur la liste.
Bien sûr, lors de son allocution à l’Assemblée, la députée a justement précisé que « l’initiative que nous défendons aujourd’hui ne s’attaque pas aux produits de vapotage rechargeables, qui servent souvent à sortir d’une consommation du tabac ou aux nouvelles formes de délivrance nicotinique ».
Néanmoins, lorsqu’il s’agit de produits du vapotage, deux prétextes semblent bel et bien dégainés à tout va : celui des jeunes et de l’emprise de l’industrie du tabac sur nos produits. À commencer par notre ministre de la Santé Aurélien Rousseau, qui en a usé plus que de raison ce mardi 28 novembre 2023, pour tenter de légitimer les mesures du prochain plan antitabac (et antivape) de 2023-2027.
Aussi, si cette interdiction est bel et bien « défendue par tous les acteurs, [y compris] les scientifiques » comme l’a déclaré M. Lozzana ce 4 décembre 2023 dans l’Hémicycle, comment expliquer qu’une écrasante majorité d’entre eux (tous tabacologues, addictologues et experts en sevrage) alerte sur les dérives d’une réglementation basée sur des motifs passionnés, et appuyés uniquement par des études qui partagent leur opinion, quitte à faire montre de biais méthodologiques flagrants ?
En somme, nos décideurs politiques semblent oublier que, si la puff est effectivement une aberration écologique, elle n’est en aucun cas un « problème de santé publique » ou un « fléau » à combattre, au même titre que le tabac.
Pour eux, la puff ne peut être considérée comme un outil de sevrage tabagique. Pas sûr que les nombreux fumeurs adultes qui ont appris à aimer la vie sans tabac grâce à elle rejoignent leur avis. Ni même les dernières données provenant des États-Unis d’ailleurs, qui attestent à l’inverse d’une recrudescence du tabagisme dès qu’une mesure antivape est adoptée…