Le 9 mars 2023, Marine Robert est invitée chez La Presse, le média d’information francophone indépendant d’Amérique du Nord, pour témoigner. Cette infirmière-clinicienne, spécialiste en traitement du tabagisme et en réduction des méfaits, revient sur le projet d’interdiction des arômes au Québec, une décision qu’elle juge irresponsable.
Le contexte du projet d’interdiction des arômes au Québec
Le 19 avril dernier, Christian Dubé, le ministre de la Santé et des Services Sociaux au Québec, dévoilait son nouveau projet de loi sur la vape. L’objectif principal : l’interdiction des arômes autres que le tabac dans les produits du vapotage.
Selon C. Dubé, ces mesures seraient primordiales pour « réduire les effets néfastes et préoccupants du vapotage dans la population, et plus particulièrement chez les jeunes ».
S’autorisant même un parallèle avec la question des saveurs dans les cigarettes fumées il y a quelques années, le ministre se félicite sur Twitter « d’agir pour mieux encadrer le vapotage » et de mettre en place des « actions concrètes pour favoriser de saines habitudes de vie et améliorer la santé de la population ».
Toujours en consultation à l’heure actuelle, la nouvelle réglementation devrait s’appliquer dès cet été au Québec.
Et autant dire que cette décision est loin de faire l’unanimité. Dès le lendemain, des manifestations se sont organisées pour réclamer le recul du gouvernement. Des associations de vapoteurs, comme la Coalition des droits des vapoteurs au Québec (CDVQ), rappellent l’importance des saveurs dans la vape et accusent le gouvernement de se fier uniquement « à ses intuitions et à ses dogmes » et non pas à la science. Associations et professionnels de santé alertent également sur la création d’un futur marché noir.
Martine Robert : un plaidoyer pour la vape qui ne date pas d’hier
Martine Robert est infirmière-clinicienne et spécialiste en traitement du tabagisme depuis 20 ans. Dotée d’une maîtrise en santé communautaire, elle est notamment responsable du programme en cessation tabagique de l’Institut de cardiologie de Montréal.
Le 29 janvier 2016, Martine Robert co-signait déjà un article avec le Dr Martin Juneau dans Le Journal De Montréal afin d’alerter sur les conséquences de la loi 44 du 26 novembre 2015. Pour rappel, cette dernière catégorisait officiellement la cigarette électronique comme produit du tabac.
L’infirmière-clinicienne rappelait alors les réductions des risques permises par la cigarette électronique et témoignait de son utilité pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires et respiratoires : « L’arrêt du tabac fait partie intégrante du traitement des patients, c’est une priorité absolue […] La cigarette électronique est un outil de plus à utiliser pour fournir à nos patients fumeurs toutes les chances de réussir ».
En mars 2023, après l’annonce d’une nouvelle réglementation sur la vape, c’est dans le journal La Presse que Martine Robert demande des comptes au gouvernement.
« Je trouve cette décision irresponsable et dogmatique »
Incompréhension, colère et indignation. Martine Robert, qui accompagne des fumeurs adultes depuis 20 ans, ne trouve aucune logique au projet de loi lancé par le gouvernement québécois ce 19 avril 2023. Loin d’une alternative nocive au tabac, le vapotage est pour elle un outil révolutionnaire à conseiller aux fumeurs.
Sur le terrain, elle l’observe tous les jours. Facilitant la transition tabagique, la cigarette électronique permet à ses patients de conserver certaines habitudes, comme le geste, tout en gérant précisément leur dosage en nicotine et en éprouvant du plaisir. Et ce plaisir, rappelle-t-elle, est intrinsèquement liés aux arômes.
En abolissant toutes les saveurs autres que le tabac dans les produits du vapotage, Martine Robert craint tout simplement un résultat inverse de celui escompté : un retour massif des ex-fumeurs ou fumeurs en transition vers la cigarette de tabac.
Si l’on doit, à son sens, tout faire pour éviter le vapotage chez les jeunes, « on ne doit pas priver les ex-fumeurs adultes d’un outil de cessation tabagique qui est reconnu et qui a fait ses preuves ». Pourquoi, donc, le gouvernement s’entête-t-il dans cette voie et ne se tourne pas vers les questions d’accès des jeunes aux produits du vapotage ?
Extraits choisis de l’interview de Martine Robert pour La Presse
« Les fumeurs adultes ont besoin de cette « béquille » pour faciliter leur transition tabagique. Par exemple, les fumeurs ont besoin d’aisance et de confiance avec les produits qu’ils vont utiliser. Le geste de vapoter rappelle sensiblement celui de fumer. Les fumeurs qui vapotent éprouvent du plaisir à utiliser la vape et vont chercher la dose de nicotine dont ils ont réellement besoin. Il est à souligner, selon les études qui se sont penchées sur le choix des parfums utilisés par les fumeurs, que la grande majorité de ceux-ci ne veulent pas vapoter un parfum au goût de tabac, lequel leur rappelle la cigarette ».
« Si le gouvernement bannit les parfums dans les produits de vapotage, on peut imaginer qu’une grande majorité d’ex-fumeurs retrouveront leurs vieux comportements et retourneront tout simplement s’acheter un paquet de cigarettes au dépanneur. Comme infirmière-clinicienne, aussi spécialisée dans la réduction des méfaits depuis l’introduction des vapoteuses, je trouve cette décision irresponsable et purement dogmatique. Le projet de règlement que le gouvernement s’apprête à déposer va à l’encontre des nouvelles orientations de Santé Canada qui reconnaît le vapotage comme étant moins nocif que le tabagisme. Le vapotage fait partie des huit stratégies de renoncement au tabac prônées par Santé Canada, rappelons-le ! »
Retrouvez l’intégralité de l’interview de Martine Robert à propos du projet d’interdiction des arômes au Québec sur le site La Presse.
Sources :
Projet de règlement : 79628.pdf (gouv.qc.ca)
Communiqué presse C. Dubé : https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/prevention-en-sante-quebec-agit-pour-mieux-encadrer-le-vapotage-47158
https://www.journaldemontreal.com/2023/03/20/vapotage-quebec-veut-interdire-les-saveurs-1