Mercredi 25 septembre 2024, la Commission européenne l’a confirmé : l’interdiction des puffs en France aura bien lieu. L’État a reçu le feu vert pour bannir ces cigarettes électroniques jetables du territoire français. Exception faite de celles permettant le remplissage du réservoir.
Après 6 mois d’attente, l’interdiction des puffs en France est validée
Voilà 6 mois que le dossier était dans les mains de l’Union européenne, et le verdict tel qu’on le présupposait est effectivement tombé.
Comme la Belgique, la France a obtenu l’accord de l’Europe pour interdire tout dispositif de vapotage jetable. Ces fameuses puffs qui défrayent régulièrement la chronique, le plus souvent à tort qu’à raison.
Car voilà : outre la problématique environnementale qu’elle pose, de façon claire et unanime, la puff divise l’opinion sur bien des points. Le principal étant l’attrait qu’elle génère, délibérément ou non pour certains, chez les jeunes.
Aussi, si la Commission européenne juge la mesure « justifiée, nécessaire et proportionnée à l’objectif de protection de la santé publique » et les deux députés à l’origine de la loi saluent cette victoire sur les réseaux sociaux, d’autres ont un avis bien plus mitigé sur la question.
Interdiction de la puff en France : bonne ou mauvaise nouvelle ?
Au regard des problématiques environnementales actuelles, il est difficile de ne pas se réjouir de la disparition de la puff. Fini les batteries polluantes, nées pour procurer quelques bouffées seulement.
Enfin, pas tout à fait, et là est peut-être le plus étonnant, puisque la Commission européenne a rejeté la demande concernant « les cigarettes électroniques qui peuvent être remplies de liquide et qui sont dotées d’une batterie non rechargeable ». L’interdiction ne vaut donc spécifiquement que pour les systèmes entièrement jetables, avec réservoir scellé.
Aussi, comme dans le cas de la Belgique, la Commission ne semble pas avoir donné son feu vert parce que ces cigarettes électroniques jetables sont polluantes et écologiquement désastreuses, mais surtout :
- parce qu’elles contiennent de la nicotine, « une substance hautement addictive et toxique » rapporte la Commission ;
- parce qu’elles risquent apparemment « d’être une porte d’entrée vers la consommation traditionnelle de tabac chez les jeunes et les non-fumeurs » note-t-elle également au rapport ;
- et enfin, tout simplement, parce qu’elles sont « trop accessibles », « trop faciles d’utilisation », « peu chères », « trop aromatisées », « trop attrayantes » et « ciblent particulièrement les jeunes ».
Autrement dit, parce que des stéréotypes, idées reçues et autres mythes leur collent à la peau. Et que l’Europe refuse toujours de voir et de reconnaitre les avancées qu’a permises la cigarette électronique en matière de lutte antitabagique depuis son arrivée sur le marché.
1. Le problème de la nicotine dans les puffs
Il est assez incohérent de présenter la nicotine comme un argument en faveur de l’interdiction des puffs et pour la protection de la jeunesse.
Comme tout dispositif de vapotage, une puff est déjà réservée à un public majeur (il est illégal de s’en procurer si l’on a moins de 18 ans, quand bien même elle ne contienne aucune nicotine [1]).
Notons également qu’il serait particulièrement étrange que la nicotine soit le problème sachant que de nombreux substituts nicotiniques sont accessibles dès 15 ans [2].
De plus, dans les dosages nicotiniques dans lesquels une puff est vendue, elle n’est en aucun cas toxique. Conformément à la loi, les produits liquides pour le vapotage n’excèdent jamais 20 mg/ml de nicotine [3].
Sauf s’ils sont achetés en dehors du marché légal. Et c’est bien là le cœur du problème…
[1] Code de la santé publique, Chapitre III, Article Article L3513-5
[2] En vente libre à partir de 15 ans (sauf certains substituts) et remboursés si prescrits par un professionnel de santé
[3] Conformément à l’ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/ UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes
2. La théorie dite “de l’effet passerelle”
L’argument selon lequel une puff serait une porte d’entrée vers le tabagisme n’est étayé par aucune donnée fiable et sérieuse. En outre, 23 études allant dans ce sens ont été récemment réfutées par six experts français.
En analysant méthodiquement les faits, ces derniers, comme bien d’autres [4], sont plutôt arrivés à la conclusion suivante : la montée du vapotage chez les jeunes coïncide avec la baisse du tabagisme dans cette même population. Vapoter ne conduit pas à fumer, démontrent les chiffres.
En revanche, lorsque les produits du vapotage ne jouent plus correctement leur rôle de barrière (ou de distracteur), du fait de restrictions accrues, les jeunes se tournent effectivement vers la cigarette de tabac. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit en Australie.
[4] On peut citer :
- l’étude française menée chez les lycéens de 15-16 ans dans la Loire (2023) ;
- l’étude anglaise de l’Institut national de recherche britannique sur la santé et les soins (2023) ;
- l’étude américaine de Delnevo et Villanti (2023) ;
- l’étude américaine du cabinet de recherches et de conseils en soins de santé Pinney Associates (2024)
3. L’attrait des puffs
Cela étant dit, l’utilisation des puffs nicotinées chez les jeunes non-fumeurs est effectivement un problème. La nicotine reste une molécule addictive et stimulante (à l’instar de la caféine ou de la théine néanmoins). C’est pourquoi elle est encadrée de manière à n’être conseillée et accessible qu’aux fumeurs adultes cherchant à se sevrer.
Or, dès leur arrivée, les puffs se sont retrouvées dans les rayons des supermarchés et autres enseignes discount. Leur accessibilité s’en est alors vue renforcée. Par manque de contrôle et de vigilance de certains revendeurs, ces dispositifs sont arrivés dans les mains de mineurs, là où elles n’avaient rien à y faire.
Pourtant, il reste très réducteur de juger la puff mauvaise et insidieuse. Si certains fabricants ont sans doute malheureusement joué la carte de la séduction auprès des jeunes, la puff est d’abord née pour simplifier la transition des personnes majeures et fumeuses vers la vape. Et, si l’on médiatise beaucoup son utilisation chez les jeunes, on oublie aussi souvent qu’elle a été d’une grande aide pour de nombreux fumeurs adultes justement. Précisément parce qu’elle est aussi facile à consommer qu’une cigarette. Les dangers de la combustion en moins.
Et maintenant ?
À l’Assemblée nationale et au Sénat de ratifier définitivement le texte de loi. Une fois la mesure d’interdiction promulguée, les puffs disparaitront des rayons des supermarchés et des étals des bureaux de tabac comme des boutiques de vape. Ce qui devrait arriver d’ici à l’année prochaine.
Pourtant, bien des questions demeurent.
Le marché noir, déjà florissant, ne va-t-il pas l’être davantage ? Les puffs disparaitront vraiment des mains des adolescents ? Dans ce cas, vers quoi se tourneront ces jeunes ?
Loin de nous l’idée de faire l’apologie des puffs ou même du vapotage chez les jeunes. Mais la question mérite d’être posée : entre une cigarette de tabac fumé, une puff de contrebande ou une puff issue du circuit légal, quel produit est préférable ?