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La France demande l’autorisation à l’Europe d’interdire les sachets de nicotine

L’interdiction des cigarettes électroniques jetables “puffs” semble bel et bien avoir créé un dangereux précédent. Sous couvert de “protection de la jeunesse”, la France demande désormais à l’Europe d’approuver son décret relatif à l’interdiction des sachets de nicotine “pouches”.

Notifiée le 24 février 2025, la Commission européenne a trois mois pour examiner une telle proposition de loi et rendre sa décision – ou soumettre un avis circonstancié à la France, afin qu’elle détaille ses arguments.

Explications.

D’un projet de taxe à une interdiction pure et simple

Lors des débats autour du fameux Budget 2025, en fin d’année 2024, plusieurs députés ont proposé d’instaurer une taxe sur les sachets de nicotine “pouches”. En même temps que d’une sur les produits du vapotage, avec ou sans nicotine.

Si de telles propositions ont finalement été rejetées, le débat autour de ces produits, en particulier des sachets “pouches” ne s’est pas évanoui. Bien au contraire.

Fin octobre 2024 déjà, Geneviève Darrieussecq, alors ministre déléguée à la Santé, appelait à les interdire lors d’une interview donnée au journal Le Parisien.

Et l’idée a semble-t-il bien fait son chemin depuis.

Début février 2025, lors du débat sur l’interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique – ces fameuses “puffs” – les parlementaires ont réaffirmé leur souhait de bannir également les sachets de nicotine du pays.

C’est pourquoi, en plus d’acter officiellement l’interdiction des puffs en France avec la parution de la loi au Journal Officiel, mardi 25 février 2025, les parlementaires ont soumis une proposition d’interdiction des “pouches” de nicotine à la Commission européenne.

La demande d’interdiction des sachets de nicotine de la France à l’Europe

Lundi 24 février 2025, la notification 2025/0110/FR a été transmise à la Commission européenne. Une étape obligatoire, comme elle l’a été pour les puffs jetables, afin de respecter le cadre juridique européen instauré.

L’objectif : obtenir le feu vert de l’Union européenne quant à l’interdiction des produits à usage oral contenant de la nicotine (hors tabac à chiquer, médicaments et produits pharmaceutiques).

La mesure concerne les “sachets portions ou sachets poreux, pâte, bonbons, billes, liquides, gomme à macher, pastilles, bandelettes ou toute combinaison de ces formes”.

Autrement dit, elle cible non seulement les actuels sachets de nicotine “pouches” et billes de nicotine, mais aussi tout autre forme future qui pourrait être inventée en dehors du champ pharmaceutique ou alimentaire.

Rien n’est encore fait néanmoins. Comme pour les puffs, la France doit ainsi prouver que sa mesure se veut “justifiée, nécessaire et proportionnée”.


Les mêmes arguments : les mêmes idées reçues


Et, puisque l’argument, bien que fortement contestable et contesté, a marché une fois, autant le réutiliser :

« En premier lieu, l’interdiction est justifiée par la nécessité d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, et notamment des jeunes », peut-on lire dans la notification.

Aucune donnée ne vient compléter cette information, qui semble aller de soi. On pourrait par exemple commencer par se demander quelle proportion de la jeunesse utilise ces produits ? Et à quelle fin ? Afin de savoir si leur usage est réellement un problème de santé publique, plus particulièrement chez nos jeunes…

La nicotine est bien évidemment au cœur du problème pour la France, qui explique :

« Outre son caractère addictogène, de nouvelles recherches montrent que, au-delà de la dangerosité propre à certains produits contenant de la nicotine, comme les produits du tabac, la nicotine, elle-même, constitue un danger pour la santé, en particulier chez les jeunes jusqu’à 25 ans »

Au-delà de la nécessité de citer ses sources, un point pose question : s’il existe de telles preuves de la nocivité de la nicotine chez les jeunes, pourquoi autoriser la vente de substituts nicotiniques dès 15 ans ? Et pourquoi ne pas repousser l’âge légal pour acheter des cigarettes à 25 ans ? Ou tout simplement interdire progressivement la cigarette chez les jeunes, puisqu’il apparait clairement pour la France qu’il s’agit là d’une double menace, combinant combustion et nicotine…

La France va même plus loin pour entretenir la confusion :

« L’augmentation de la fréquence cardiaque et la rigidité artérielle ont été également constatées dans des études récentes portant sur les sachets de nicotine »

Par cette simple phrase, elle suggère non seulement que de tels effets sont propres aux sachets de nicotine, mais qu’ils sont forcément problématiques. Or, ce serait oublier que la nicotine est un stimulant, comme l’est la caféine par exemple. Ils agissent comme l’adrénaline, hormone stimulante naturellement sécrétée par l’organisme (par la pratique du sport notamment).

En tant que tel, n’importe quel stimulant a en effet des répercussions sur le cœur et les artères. En revanche, ce qui endommage le cœur et bouche les artères, ce n’est pas la nicotine, mais le fait d’en passer par la combustion du tabac. Soit en fumant une cigarette.


Le recours au mensonge ?


Semblant déjà à court d’arguments, la France nous ressort alors son passe-partout :

« Leur facilité de consommation, couplée à leur marketing attractif, créent un environnement propice à la surconsommation, en particulier pour les plus jeunes, pouvant entraîner des dangers sanitaires graves »

Pour preuve, la France cite le rapport Toxicovigilance 2023 de l’ANSES ¹, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.


Et les écarts entre les chiffres donnés par la France dans sa notification et ceux relevés par l’ANSES ont de quoi interpeller.


Pour la France, 131 cas d’intoxication liés à des produits à usage oral contenant de la nicotine ont été recensés par l’ANSES en 2022. Contre 19 apparemment en 2020, “chiffres vraisemblablement sous-estimés” indique-t-elle dans sa notification à l’Europe.

Pour l’ANSES, il s’agit plutôt de 16 cas avérés d’intoxication par les sachets de nicotine et 31 cas d’intoxication par snus ou sachet de nicotine (indéterminé). Le tout, non sur une seule année, mais entre 2017 et 2022. Soit 47 cas en 5 ans.

Le problème relevé par l’ANSES concerne surtout les billes aromatiques, avec 46 cas d’intoxication relevés en 2021 et quasiment le double sur 2022 (86). Contre seulement 15 cas pour les sachets de nicotine en 2021 et 27 cas en 2022.

De quoi interroger donc : la France est-elle tellement soucieuse d’interdire au plus vite les sachets de nicotine qu’elle se permet de réarranger des données ? En plus de s’appuyer sur un argumentaire plus que bancal ?

Sachets de nicotine : ce que la France ne dit pas

Souvent confondu avec le snus (comme on aime également le faire entre “fumée” et “vapeur” pour la e-cigarette…), le sachet de nicotine “pouche” n’est en aucun cas un produit du tabac.

Il s’agit d’un produit tout à fait légal en Europe, au contraire du snus, seulement autorisé en Suède.

La différence ? Le snus est un sachet de tabac, le pouche, un sachet de nicotine, sans tabac cette fois. Tous deux partagent néanmoins le même objectif : permettre aux fumeurs de continuer à consommer de la nicotine (indispensable au sevrage), sans subir les dangers de la combustion.

Inventés par le docteur suédois Karl Fagerström, à qui l’on doit également le fameux test de dépendance à la nicotine, les pouches de nicotine sont utilisés en Suède depuis une décennie maintenant. Le snus, lui, fait partie de la culture suédoise depuis le 19è siècle au moins.

👉Le documentaire Tais-toi et fume ! produit par Oneshot Media et diffusé sur la chaîne YouTube Origines a retracé en détail la méthode suédoise dans son premier épisode ².


Cap sur la Suède


La Suède est le seul pays d’Europe où le snus est légal. La population s’est battue pour le garder à son entrée dans l’Union européenne, en 1995.

Au milieu des années 2010, le sachet pouche a vu le jour, afin de proposer une nouvelle alternative aux suédois.

Résultat : d’après les derniers chiffres 2024, le tabagisme en Suède est à peine au-dessus des 5 %. Le pays est le seul en Europe à avoir réussi à remplir les conditions fixées par l’UE, avec 17 ans d’avance. Il est aujourd’hui considéré comme un pays non-fumeurs.

En comparaison à tous les autres états membres, la Suède montre également les taux de cancers et de décès liés au tabagisme les plus bas ³. Avec, entre 2000 et 2019 :

  • 44 % de décès liés au tabagisme en moins ;
  • 41 % de cancers liés au tabagisme en moins ;
  • 38 % de décès attribuables à ces cancers en moins.

Pourtant, les suédois demeurent de grands consommateurs de nicotine, avec une proportion de 23,6 % dans le pays, contre une moyenne de 24,9 % pour le reste de l’Europe.

Les faits sont là : consommer de la nicotine sans en passer par la combustion ne tue pas. Le snus, les sachets de nicotine et tout autre produit nicotiné sans fumée réduisent drastiquement les risques pour la santé.

Une telle interdiction ne saurait être sans conséquence

On l’aura compris, pour la France, le seul recours possible est l’interdiction formelle de tels produits. Dans toute leur globalité. Une mesure “justifiée, nécessaire et proportionnée” dit-elle à l’Europe, qui n’aura aucune conséquence néfaste sur la lutte antitabagique, bien au contraire :

« L’interdiction des produits à usage oral contenant de la nicotine constitue une faible entrave au commerce, puisque de nombreux produits contenant de la nicotine, dûment notifiés et respectant les obligations législatives et réglementaires, restent autorisés »

Pourtant, elle compte de fait limiter drastiquement les alternatives pour un fumeur. Ceux qui avaient réussi à trouver dans les sachets de nicotine une solution plaisante pour arrêter de fumer se verront sanctionnés. Alors même que la France est incapable de prouver le caractère nocif de tels produits. D’autant plus lorsque l’un de ses voisins est la preuve vivante de l’importance, de l’efficacité et de la réduction des risques permise par ces mêmes produits.

N’y a-t-il vraiment aucune autre voie, comme semble le penser la France ? Au regard des lois régissant les produits du tabac et du vapotage, difficile de la croire. Un encadrement formalisé des sachets de nicotine est tout à fait envisageable.


Mais notre gouvernement préfère une fois encore la répression à une stratégie plus pragmatique, qu’on sait bénéfique en tout point : la réduction des risques.

Nul doute que si cette proposition de loi est validée par l’Europe, bien d’autres produits suivront. À commencer par les arômes.

Dans sa lutte contre le tabagisme, la France se contente désormais de diaboliser toute forme de nicotine – ou presque. Jusqu’à nous faire oublier à tous le vrai danger : la combustion du tabac. La cigarette semble la seule à avoir de beaux jours devant elle, débarrassée de tout produit en mesure de la concurrencer vraiment !


👉Nos élus doivent comprendre l’importance de traiter les addictions selon un référentiel (ou continuum) du risque. La cigarette fumée est la seule drogue légale à tuer un consommateur sur deux. Pourtant, elle reste autorisée !

Invitons-les ainsi à penser autrement ! « Quand il n’y aura plus de fumeurs, je serai contre la cigarette électronique », martèle le professeur Bertrand Dautzenberg.

S’attaquer aux produits alternatifs à la nicotine alors que plus de 31 % de la population française est fumeuse, ce n’est pas combattre le tabagisme. C’est l’entretenir !

Notes

¹ Rapport Toxicovigilance 2023, ANSES, 30 novembre 2023 (version PDF téléchargeable)

² Documentaire Tais-toi et fume !, Épisode 1 : La méthode suédoise, Oneshot Media x Origines (l’épisode complet sur la chaîne YouTube Origines)

³ D’après le rapport No Smoke Less Harm du collectif Smoke Free Sweden, version 2024 (version PDF téléchargeable)

Mis à jour le 28.02.2025
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