L’effet passerelle, cette théorie selon laquelle les jeunes non-fumeurs s’essayant à la e-cigarette deviendraient des fumeurs invétérés, est-elle fondée ? Intimement liée à l’idée de l’addiction créée par la nicotine (exagérée selon certains), bon nombre de spécialistes s’accordent pourtant à penser que la vape ne conduirait pas les jeunes à fumer. Effet passerelle et la cigarette électronique : décryptage d’une rumeur persistante.
Cigarette électronique et effet passerelle : que disent les experts ?
Malgré moult études le discréditant, l’effet passerelle reste un argument redondant chez les anti vape. Ces derniers ignorent-ils que, dans les pays où la vape est démocratisée, on note une chute du tabagisme chez les adolescents ? Selon le pneumologue Dautzenberg, la vape est en concurrence avec le tabac et l’effet passerelle est une crainte, non un fait…
Une crainte qui suggère qu’un adolescent qui vapote fumera ensuite. Ce raisonnement implique qu’il n’aurait jamais fumé sans la e-cigarette. On devrait alors constater une augmentation du nombre de jeunes fumeurs liée aux vapoteurs. Mais il n’en est rien ! De la même façon, dans les pays où la vape est moins présente, le tabagisme adolescent devrait être plus bas. Encore raté !
En France, une étude de l’INSERM de 2020 concernant les 17-18 ans, conclut que vapoter ne conduit pas à fumer : 43% des jeunes français ayant vapoté n’ont jamais fumé, et 81% des adolescents primo vapoteurs ne sont pas fumeurs à leur majorité. On constate enfin une réduction de 42% du risque d’être fumeur à 18 ans chez les jeunes ayant commencé par vapoter. Quant à l’étude concernant la vape et le tabac, menée par l’Observatoire Français sur 39 000 adolescents, elle marque un désintérêt des jeunes pour le tabac comme pour la vape, invalidant de ce fait le discours sur la peur de l’effet attractif de la vape auprès des jeunes. On découvre même que ceux-ci considèrent la vape comme un mode de sevrage tabagique : La e-cigarette est une alternative au tabagisme, non une cause.
Vape et effet passerelle : ce qui se dit à l’étranger
Chez nos voisins, pour qui la vape symbolise la lutte contre le tabagisme, on note des comportements similaires. A Genève, le Professeur Etter indique une augmentation de la vape chez les jeunes contre une diminution du tabagisme, et alerte quant à la hausse du tabagisme lorsque la vente des vapoteuses a été interdite aux mineurs. Au Royaume-Uni, plusieurs études menées en 2017 sur des jeunes de 11 à 16 ans démontrent que la e-cigarette ne favorise pas le tabagisme et que la vape régulière reste extrêmement rare si ces derniers n’ont jamais fumé. En Écosse, qui présente le deuxième taux de fumeurs le plus bas d’Europe derrière la Suède, 13% des jeunes de 15 ans étaient concernés par le tabac lorsque les e-cigarettes sont apparues en 2010. En 2015, ils étaient 7%.
Michael Siegel, de la lutte anti tabac américaine, met en garde contre les croisades morales, davantage contre les e-cigarettes que contre la théorie de la passerelle elle-même. Ainsi, aux États-Unis, pendant que certains demandent le retrait du marché des arômes censés attirer les adolescents, deux experts, Kozlowski et Warner, conseillent d’abaisser l’âge légal de la vape. La cause ? Les restrictions d’âge à l’achat de e-cigarettes sont associées à une augmentation du tabagisme.
Lors du Sommet sur la réduction des risques du tabac en Espagne de 2018, Linda Bauld, de Cancer Research UK, affirme que “Le tabagisme chez les jeunes baisse à un rythme encourageant. Si le vapotage provoquait le tabagisme, ces tendances s’inverseraient”. Rassurant, le National Youth Tobacco Survey conclut que le vapotage n’induit pas une consommation de nicotine. Loin du fameux effet passerelle, les e-cigarettes sans nicotine remplacent le tabac.
Le postulat selon lequel les jeunes commencent par vapoter pour finir accrocs au tabac a beau être clairement contredit par l’Organisme Public Français chargé de surveiller les addictions (OFDT), la fin du débat ne semble pas être encore à l’ordre du jour… S’agit-il alors d’un principe de précaution contre-productif (dans le même temps, on laisse les jeunes fumer…) ou d’une façon de justifier une régulation restrictive des produits du vapotage dans de nombreux pays ?