Mobiliser
Accueil | Informer sur la vape | Le vrai du faux de la vape | Que dit la science | Le faux débat de la vape chez les jeunes

Le faux débat de la vape chez les jeunes

En France, la vape chez les jeunes fait encore et toujours débat. Certains, comme Michel Cymes, alias Dr.Good! sur les réseaux, semblent persuadés que la nuance n’existe pas. Il faut être “pour ou contre le vapotage chez les adolescents” pour reprendre l’un de ses derniers articles sur la question. Mais est-ce vraiment aussi simple ?

La vape chez les jeunes : quelques points de rappel

La vape est interdite chez les jeunes

À priori, la réponse est simple : il faut évidemment être contre l’utilisation d’une cigarette électronique par des personnes mineures. C’est d’ailleurs ce que prévoit la loi. En effet, selon les articles L.3513-5 et R.3515-6 du Code de la Santé publique, les produits du vapotage sont interdits aux moins de 18 ans.

Mais, comme souvent, la réalité est plus complexe. Certains jeunes vapotent. Comme certains jeunes fument malgré la même interdiction. Et ils sont d’autant plus nombreux.

Remise en contexte

Initier un tel débat demande avant tout une mise en contexte – ce qu’oublie apparemment de faire Michel Cymes dans son article d’opinion ¹.

Aussi, d’après l’enquête ESCAPAD de l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances addictives (OFDT), 6,2 % des jeunes de 17 ans vapotent quotidiennement (dernières données 2022). Un usage trois fois plus important qu’en 2017 effectivement (avec 1,9 %), mais aussi près de trois fois moins élevé que le tabagisme à 17 ans.

En France, 15,6 % des jeunes de 17 ans fument quotidiennement. Contre 25,1 % en 2017. Et si la jeunesse actuelle est moins propice à fumer, ce n’est pas par hasard.

Toujours d’après cette même enquête de l’OFDT, les utilisateurs quotidiens de cigarettes électroniques ont toujours été composés à plus de 90 % de fumeurs. En 2017, seuls 2,4 % d’entre eux n’avaient jamais expérimenté la cigarette avant. Ce qui ne représente même pas un jeune sur 1000. En 2022, les vapoteurs non-expérimentateurs de cigarettes s’élevaient à 5,8 %. Soit environ 3 jeunes sur 1000.

Autrement dit, lorsque l’on parle de vapotage chez les jeunes, on parle avant tout de personnes déjà fumeuses.

Aucun effet passerelle de la vape vers le tabac chez les jeunes

Pourtant, à en croire le Dr.Good!, aider les fumeurs à sortir de leur dépendance n’est pas le seul objectif recherché (et accompli) par la vape. Paradoxalement, elle souhaiterait accompagner les adultes à en sortir tout en incitant les adolescents à y entrer. Peur irrationnelle quand tu nous tiens… !

Car prouver l’existence de l’effet passerelle est une tâche ô combien ardue lorsque toute la littérature scientifique a déjà réussi à démontrer le contraire. Soit que la vape ne mène pas au tabagisme, et plus encore, ferait office de protection, comme l’ont montré plusieurs chercheurs français, dont le professeur Bertrand Dautzenberg, cité dans l’article.

Face à cet obstacle, Michel Cymes choisit donc d’effectuer la pirouette préférée des anti-vapes : le pas de côté.

Quand le Pr Dautzenberg assure, très sérieuses enquêtes à l’appui, que « clairement, chez les adolescents, la vape est une protection contre le tabagisme », le Pr Martinet lui répond, fort d’études tout aussi respectables, que « clairement, l’addiction à la nicotine est plus forte que l’addiction à l’héroïne ». Avant d’ajouter qu’un « jeune qui consomme la nicotine d’une cigarette électronique devient addict, et a cinq fois plus de risques de passer au tabac que s’il n’en consomme pas ».

Un joli sophisme, destiné à décaler le débat : on ne parle plus vraiment de vape, mais d’addiction à la nicotine. Puis on généralise. Comme si tout jeune vapoteur utilisait forcément une e-cigarette avec nicotine. Comme si la nicotine contenue dans une vapoteuse était plus addictive que dans un substitut nicotinique (lesquels sont disponibles à partir de 15 ans). Et, encore une fois, comme si tout jeune vapoteur n’avait jamais consommé de la nicotine à travers une cigarette de tabac.

Le véritable danger jamais nommé

En définitive, l’article pense résumer un vrai débat, mais se contente de rassembler tous les faux débats dans un même papier. Et de remuer le tout.

La question de la dangerosité du vapotage pour la santé est posée sans jamais la mettre en parallèle avec les dangers avérés du tabagisme. Les effets de la combustion du tabac ne sont ainsi jamais cités. Et cela semble seulement déranger le professeur Bertrand Dautzenberg, qui rappelle :

Dans un monde sans tabac, on pourrait se poser la question. Mais parler de la toxicité de la vape, c’est comme parler du danger des airbags en voiture. Ca peut exploser, les airbags, c’est vrai, mais ils sauvent beaucoup plus de vies qu’ils n’en prennent.

En l’occurrence, le tabagisme tue 220 personnes chaque jour en France, rappelons le. Quand la vape ne dénombre aucun mort, en plus de 15 ans d’existence.

Le professeur Yves Martinet, président du Comité National Contre le Tabagisme (CNCT), se contente, quant à lui, d’éluder une fois encore la question.

Dans une cigarette électronique, les produits sont chauffés à 200-250°C. Il se produit une pyrolyse, qui les modifie, voire créé de nouvelles substances. Les poumons ne sont pas faits pour respirer des arômes, fussent-ils alimentaires, pas plus que de la nicotine.

Son plaidoyer : le vapotage est contre-nature. Le mieux à faire : ne rien mettre dans ses poumons, autre que de l’air pur. Un argument facile, surtout à l’heure où la France compte toujours un peu moins de 12 millions de fumeurs quotidiens. S’il suffisait de leur dire qu’il ne faut rien mettre dans leurs poumons, on ne dénombrerait pas autant de maladies et de décès liés au tabagisme. Et l’on aurait sans doute pas eu besoin d’inventer la vape pour réduire les risques chez les fumeurs.

La vraie question : vaut-il mieux réduire le risque ou le réprimer à tout prix ?

Un léger erratum s’impose. En fait, sans le savoir, le Dr.Good! sous-tend un vrai débat dans son article : doit-on poursuivre un objectif de réduction des risques ou de zéro risque ? Quelle stratégie fonctionne le mieux en matière de lutte antitabagique ?

Pour le professeur Yves Martinet, fervent défenseur du zéro risque, il faut interdire les arômes et réserver la cigarette électronique aux pharmacies.

C’est la raison d’être des arômes, des hameçons pour accrocher les jeunes, leur faire consommer de la nicotine et les rendre dépendants. Au CNCT, nous en demandons l’interdiction, aussi parce qu’à ma connaissance, il n’y a pas de preuve scientifique objective que ces arômes facilitent le sevrage, alors qu’on est sûr que ça en augmente la dangerosité.

Si la cigarette électronique est un traitement, elle doit être uniquement vendue en pharmacie, ni chez les buralistes ni chez les indépendants.

Malheureusement pour lui, de nombreuses études scientifiques objectives lui donnent tort. Bien des chercheurs ont réussi à démontrer l’importance capitale des arômes dans le sevrage. Et les effets de leur interdiction sur le tabagisme.

C’est notamment à l’une d’elle que fait référence le professeur Dautzenberg, partisan de la réduction des risques, lorsqu’il répond :

Interdire les arômes, c’est une ânerie monumentale, que 35 États ont commise aux États-Unis. Dans les mois qui ont suivi, les ventes de cigarettes ont explosé, celles des vapoteuses se sont effondrées. Il faut que les produits alternatifs du tabac procurent le plus de plaisir possible.

Je ne suis pas contre la vente en pharmacie, ne serait-ce que pour rassurer quelques mamies sur le sérieux du produit et mettre les pharmaciens dans le coup… à condition que les cigarettes électroniques soient aussi vendues ailleurs, chez les buralistes et par des entreprises enregistrées, dont la vape est l’activité principale et qui peuvent donner des conseils : la vape, ça marche mieux si on l’explique.

Comme la méthadone pour les dépendants aux opioïdes, comme les substituts nicotiniques pour les dépendants à la nicotine, le vapotage et tous les autres produits alternatifs sans fumée sont des solutions légitimes d’arrêt de la cigarette combustible. Leur méthode est la même : remplacer un produit qui tue par un produit moins risqué.

Et, d’après l’éminente revue britannique Cochrane, la méthode fonctionne :

  • Vapoter (avec nicotine) est 1,96 fois plus efficace pour arrêter de fumer à long terme que de s’en remettre uniquement à sa seule motivation ou à un suivi comportemental ;
  • Vapoter (avec nicotine) est 1,59 fois plus efficace pour arrêter de fumer à long terme que d’utiliser tout autre substitut nicotinique ;
  • Vapoter (avec nicotine) est 1,46 fois plus efficace pour arrêter de fumer à long terme que de vapoter sans nicotine.

La vape reste considérée par les plus vastes études menées à ce jour comme, à minima, 95 % moins risquée que le tabagisme ². Personne ne dit que vapoter ne comporte aucun risque. Mais il est inadmissible aujourd’hui de continuer à semer le doute dans les esprits : vapoter n’est pas fumer. Et vapoter ne conduit pas à fumer.

Alors, pour ou contre la vape chez les jeunes ?

Il semble que la question la plus légitime que devrait se poser les professionnels de santé, parents, médias et politiques à ce jour soit celle-ci : n’existe-t-il pas une troisième voie ? Une qui permettrait de protéger les jeunes non-fumeurs de ces produits nicotinés, tout en permettant à tout fumeur (jeune ou non) de se sortir au plus tôt de l’addiction à la cigarette et des méfaits de la combustion ?

En Europe, la France est le troisième pays comptant le plus de vapoteurs. On sait les substituts nicotiniques bien moins appréciés par la population, peu importe l’âge. On sait également la vape infiniment moins nocive que le tabagisme. Pourquoi vouloir à tout prix l’assimiler aux dangers de la cigarette ? La taxer, la réserver forcément à la sphère pharmaceutique et lui retirer ses arômes ?

Souhaite-t-on vraiment ignorer ce qui fait d’elle un puissant outil de barrage au tabagisme ?

Pourquoi ne pas inviter ces addictologues, défenseurs de la réduction des risques, à la table des discussions ? Au même titre que tout acteur de la vape indépendante, dont nous faisons partie, pour recueillir le maximum d’informations et trouver une solution adaptée ? Une qui ne renverrait pas des millions de vapoteurs vers le tabagisme, car privés d’arômes faute de politiques différenciées.

Ces pays inspirants

Alors que la France souffre toujours d’une forte prévalence tabagique (31,1 % de fumeurs, dont 23,1 % de fumeurs quotidiens en 2023 dans l’Hexagone) ³, regardons la Suède, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande. Trois pays aux politiques distinctes, mais qui se rejoignent sur un même point : ils privilégient toute alternative pertinente pour aider leur population à se sortir des dangers de la combustion du tabac.

Grâce au snus, aux sachets de nicotine “pouches” et à la vape, la Suède compte 5,4 % de fumeurs désormais. Et plus du double de consommateurs de nicotine.

En intégrant des politiques de promotion et d’éducation sur le vapotage, le Royaume-Uni dénombre également à ce jour moins de 12 % de tabagisme.

Et en adoptant pleinement le vapotage, à l’inverse de son pays voisin, l’Australie, qui l’a uniquement réservée aux pharmacies, la Nouvelle-Zélande a fait chuter sa prévalence tabagique deux fois plus vite : de 14,5 en 2016 à 6,8 % en 2023 (- 10 % par an). Contre 12,2 % en 2016 et 8,3 % en 2023 chez les Australiens (- 5 % par an). Sans avoir à gérer l’immense marché noir généré en Australie qui plus est !

En résumé

La vape n’a jamais été destinée aux jeunes, et on doit effectivement tout faire pour qu’elle ne le devienne pas. Mais on doit aussi permettre à tout fumeur, quelque soit son âge, d’arrêter de consommer un produit, le seul à ce jour, qui tue un utilisateur sur deux.

« Il vaut mieux promouvoir le vapotage que l’abstinence, car l’abstinence est très difficile à obtenir tandis que le vapotage est plus facile à obtenir. Il est plus efficace » – Professeur Antoine Flahault, épidémiologiste, reportage Tais-toi et fume!, partie 3 : l’ennemi intime

« Vous ne pouvez pas seulement augmenter le prix d’une drogue addictive et ensuite priver les gens d’alternatives. Vous devez accompagner l’augmentation des taxes à des mesures préventives pour inciter les fumeurs à passer à des produits moins nocifs. Sinon, il s’agit simplement d’une politique totalement contraire à l’éthique » – Clive Bates, expert indépendant en santé publique, ancien directeur de l’association britannique Action on Smoking and Health (ASH), reportage Tais-toi et fume!, partie 2 : le meilleur des mondes


Sources


¹ Cigarette électronique, Pour ou contre le vapotage chez les adolescents, Dr.Good!, 1 mars 2025, N°46

² Les conclusions du gouvernement britannique confirment cette donnée depuis 2015. Le Royal College of Physicians également.

³ Prévalence du tabagisme en France hexagonale en 2023 parmi les 18-75 ans, Santé publique France, novembre 2024


Voir également


Le reportage Tais-toi et fume! en 3 parties :

Mis à jour le 18.03.2025
0 Partages

NOS ARTICLES SIMILAIRES