Tel un petit guide de défense, cet article présente 5 arguments implacables à donner à un anti nicotine pour lui permettre de mieux comprendre la molécule.
Car, bien qu’utilisée depuis des siècles dans différents pays et produits, la nicotine reste une substance peu comprise par les médias, les décideurs politiques comme le grand public et les fumeurs.
« Plus de 8 Français sur 10 (82 %) croient que la nicotine est cancérigène », pointait le sondage de BVA pour SOVAPE en 2023 ¹.
Dépréciée et mal jugée, la nicotine est irrémédiablement pointée du doigt : ce serait elle la principale responsable des dangers du tabac fumé. Et donc, par extension, la véritable menace à abattre.
« La nicotine est dangereuse pour la santé », « cancérigène », « hautement toxique et addictive », « il faut la fuir à tout prix lorsque l’on souhaite arrêter de fumer »… telles sont les phrases que l’on entend malheureusement trop souvent.
Il est donc temps d’apprendre à contrer définitivement ces idées reçues… en revenant aux faits.
1- La nicotine ne tue pas
Ce qui tue 75 000 personnes chaque année en France, c’est la combustion. Soit le fait de brûler une cigarette de tabac pour la fumer. Ce n’est pas « le tabac » comme on aime parfois à le dire pour raccourcir. Et encore moins la nicotine.
Preuve en est : la nicotine est présente dans bien d’autres plantes que le tabac, et dans bien d’autres produits que ceux du tabac à fumer (cigarettes, cigares, cigarillos…) sans que cela ne cause aucun mort.
On la retrouve par exemple en quantité minime dans tous les légumes de la famille des Solanacées (les pommes de terre, les tomates, les choux-fleurs et en particulier l’aubergine). En plus de s’en servir depuis quasiment 50 ans maintenant dans les traitements de substitution nicotinique (TSN) que sont les patchs, les gommes à mâcher, les pastilles à sucer ou encore les sprays à la nicotine.
2- La nicotine n’est pas cancérigène
De la même manière, la nicotine n’est pas en cause dans la survenue des différents cancers liés au tabagisme.
Les responsables, ce sont plutôt ces 7 000 substances chimiques libérées lors de la combustion du tabac sous forme de fumée. Parmi elles, au moins 70 sont identifiées comme cancérogènes chez l’être humain et l’animal : le benzène, l’arsenic, le chrome, les goudrons et le polonium notamment.
Le tabagisme est ainsi défini comme le 1er facteur de risque de cancer. En France, plus de 50 % des décès attribuables au tabagisme sont dus à ces cancers (45 000 sur 75 000). On estime d’ailleurs que le tabagisme est responsable de 19,8 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancers chaque année.
3- La nicotine est toxique seulement à très fortes doses
« Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison » – Paraclese
S’il est vrai que la nicotine est une substance toxique potentiellement mortelle, le propos mérite d’être complété de deux conditions : si elle est surconsommée, et plus particulièrement, si elle est ingérée à très haute dose.
En 1906, le pharmacologue Rudolf Kobert estimait la dose létale de nicotine (par ingestion) à 60 mg. Mais depuis, bon nombre de rapports ont fait état de consommations bien supérieures chez l’homme, sans qu’elles ne se soldent pour autant sur un décès. Un élément notamment mis en lumière par l’étude de Bernd Mayer en 2013 ². D’après ses recherches, ce chiffre serait ainsi largement sous-estimé, et se situerait plutôt autour des 800 à 1000 mg.
Toutefois, il convient aussi de préciser ceci : si les cas d’intoxication mortelle à la nicotine sont particulièrement rares, pour ne pas dire exceptionnelles, des intoxications légères à graves restent possibles. C’est pourquoi, en France notamment, la nicotine est strictement encadrée.
Dans tout produit du vapotage, elle ne peut excéder les 20 mg/ml, en fioles de 10 ml de contenance maximale. Mais, même si le seuil était trois fois supérieur, comme c’est le cas aux États-Unis par exemple, les risques d’intoxication ne seraient pas plus grands. Car, dans ces produits, on parle de nicotine inhalée et non ingérée.
Prenons également le cas des patchs, qui diffusent la nicotine encore différemment, par voie cutanée. Selon Tabac Info Service, il est possible d’utiliser jusqu’à 4 patchs de nicotine en même temps, sans risque ³. Soit 21 mg par patch, multiplié par 4… 84 mg !
Dire que la nicotine est toxique n’est donc pas faux. Mais pas tout à fait vrai non plus. Cela dépend à la fois de son mode d’administration et de la dose administrée.
Et, nous allons le voir, c’est un peu la même chose lorsque l’on nous parle de l’addiction à la nicotine…
4- La nicotine est addictive, mais…
Par nature, la nicotine est effectivement une substance addictive : il s’agit d’un alcaloïde aux puissants effets psychoactifs. Mais peu savent qu’elle l’est d’autant plus lorsqu’elle est fumée.
C’est cette fameuse histoire du shoot nicotinique.
À chaque bouffée prise sur une cigarette, il se passe moins de 20 secondes pour que la nicotine atteigne le cerveau et se fixe sur des récepteurs spécifiques, libérant alors plusieurs hormones de plaisir comme la dopamine.
Une satisfaction quasi instantanée qui plait forcément beaucoup à notre cerveau… qui en redemande. Emprisonnant alors le fumeur dans un cercle vicieux : c’est ce que les addictologues appellent le « circuit de la récompense ». Pour retrouver le même niveau de satisfaction et de plaisir, le fumeur est obligé d’y retourner, jour après jour.
Du fait de ce mode d’assimilation rapide et intense, la dépendance s’installe tout aussi rapidement. Le fumeur ressent un besoin impérieux d’allumer une cigarette, précisément parce qu’il a désormais besoin de ce shoot de nicotine. En addictologie, ce désir ardent a un nom : le craving. Pour être soulagée, la personne doit céder à son addiction. Elle est en manque.
Or, contrairement à la cigarette, les substituts nicotiniques, les pouches de nicotine ou encore la vape ne provoquent pas ces shoots de nicotine. Ce qui ne revient pas à dire que la nicotine qu’ils contiennent n’est pas addictive. Mais qu’elle l’est infiniment moins.
Dans tous ces produits sans combustion, la nicotine est transportée bien plus lentement, précisément pour éviter au fumeur d’alterner entre pics de satisfaction et périodes de manque. Il ne s’agit plus de provoquer une dépendance et de l’entretenir, mais d’aider les consommateurs à en sortir.
Car là est bien le cœur du sujet : la nicotine reste une substance addictive, et donc, doit être réservée à des personnes fumeuses engagées dans une démarche de sevrage tabagique.
5- La nicotine est la meilleure aide au sevrage tabagique qui soit
Paradoxalement, et c’est sans doute cela le plus difficile à faire comprendre, la nicotine est la seule capable de mettre fin à l’addiction qu’elle a elle-même provoquée chez un fumeur.
Pour s’éloigner définitivement de la cigarette combustible, le fumeur en a besoin. Sans elle, ce besoin de fumer (craving) est trop intense. Et la seule motivation n’y change rien.
C’est pourquoi, dans une démarche d’arrêt du tabac, on conseille aux fumeurs de se tourner vers des produits à la nicotine : pour leur permettre de combattre efficacement l’envie de fumer, en soulageant les symptômes de manque. Mais aussi, et surtout, pour supprimer les risques liés à la combustion.
En résumé
👉Ce qui tue : la combustion du tabac
👉Ce qui provoque cancers et autres affections : la combustion du tabac
👉Ce qui rend addict à la cigarette : le mode d’administration de la nicotine dans une cigarette (et les additifs ajoutés par les cigarettiers pour accentuer la dépendance)
👉Ce qui aide un fumeur à arrêter la cigarette et ses dangers : la nicotine, par le biais de produits de réduction des risques
Un cas d’école : la Suède
Pour convaincre un anti-nicotine, rien ne vaut un cas concret comme celui de la Suède. Là où les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- En Suède
Consommateurs(trices) de nicotine : 23,6 %
Fumeurs(euses) : 5,6 %
- En Europe
Consommateurs(trices) de nicotine : 24,9 %
Fumeurs(euses) : 23,5 %
Alors que la Suède présente, à un point près, le même nombre de consommateurs de nicotine que tous les autres pays européens réunis, elle montre des taux de cancers et de décès drastiquement inférieurs à la moyenne européenne.
- Taux de cancers en Suède : – 41 %
- Taux de décès en Suède : – 44 %
Sa stratégie ? Inciter les habitants à se tourner vers tout produit nicotiné sans combustion, en particulier le snus, les sachets de nicotine « pouches » et les produits du vapotage.
Si la nicotine était donc une substance dangereuse en soi, ça se saurait ! Au lieu de cela, on le voit bien : lorsqu’il lui est autorisé de figurer dans un large panel de produits sans combustion, elle permet de lutter efficacement contre le tabagisme !
Notes
¹ Vapotage, nicotine : encore et toujours, des millions de français victimes de l’épidémie du doute – Sondage exclusif BVA pour SOVAPE, 10 octobre 2023
² Quelle quantité de nicotine tue un être humain ? La dose létale généralement admise remonte à des expériences personnelles douteuses menées au XIXe siècle, Bernd Mayer, 2013 (version PDF téléchargeable, langue française)
³ Tabac Info Service, en réponse à la question “Quel dosage je dois choisir pour les patch ?”