L’entrée en vigueur d’une taxe sur la vape en France ne pourrait être qu’une question de mois désormais. Longtemps envisagée par le gouvernement, sans qu’aucune suite concrète ne soit néanmoins donnée, la mesure prend aujourd’hui la forme de projets d’amendements bien réels, publiés au cours du mois d’octobre 2024.
La direction souhaitée par son dépositaire, le député centriste Charles de Courson ? Une taxe de 15 centimes d’euros par millilitre sur tout produit de la vape destiné à être vaporisé. Que ce dernier contienne ou non de la nicotine. Une proposition qui est loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement. Comme chez les chercheurs, experts et professionnels de santé. Explications.
Mise à jour du 13 novembre 2024
Après vote final, mardi 12 novembre 2024 à 16h30, l’Assemblée nationale n’a pas validé le Projet de Loi de Finances (PLF), partie recettes. Ce faisant, elle ne peut passer à la partie dépenses du PLF. Le texte du Budget 2025 est donc transmis au Sénat dans sa version initiale (celle du gouvernement). Néanmoins, le gouvernement pourra toujours y ajouter certains amendements et sous-amendements discutés à l’Assemblée. Autrement dit, rien n’est joué, puisque plusieurs propositions avaient été approuvées en séances :
- L’amendement 2885 de Charles de Courson (taxation de la vape à 0,15 €) ;
- Le sous-amendement 3760 de Christine Loir (taxe abaissée à 0,05 €) ;
- Le sous-amendement 3770 de Claire Marais-Beuil pour détail des acteurs concernés par la taxe.
Mise à jour du 5 novembre 2024
L’Assemblée nationale n’a pas pu (et voulu) terminer son étude du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) dans le temps qui lui était imparti. Le PLFSS est donc transmis au Sénat dans sa version initiale (celle du gouvernement). Ce dernier a toutefois la possibilité d’y joindre des amendements et sous-amendements de l’Assemblée. Parmi eux pourrait ainsi figurer le sous-amendement 2416 de Charles de Courson visant la taxation des sachets de nicotine et leur interdiction au-delà d’un certain taux (> à 16,6 milligrammes de nicotine).
Pourquoi maintenant ?
D’aucuns pourraient y voir une raison de plus de douter. Si la France souhaite taxer la vape, comme elle le fait déjà pour le tabac fumé, n’est-ce pas là la preuve de sa nocivité ? Après plus d’une décennie d’existence et de recherches scientifiques, la France aurait-elle enfin trouvé matière à reprocher à la cigarette électronique ?
Dissipons sans attendre tout malentendu. Il n’en est rien.
Comme l’ont rappelé un à un les plus éminents tabacologues et addictologues de France, la vape est, par essence, un outil de lutte antitabac. Peut-être même le meilleur qui soit à l’heure actuelle.
Témoignages d’experts
« Je le vois chez mes patients. Énormément de gens sont aidés par la vapoteuse, ou cigarette électronique, pour arrêter de fumer […] Et une grande partie des fumeurs préfèrent la cigarette électronique à tout traitement et toute aide. C’est d’ailleurs ce que l’on voit dans les études scientifiques »
– Témoignage du Dr. Marion Adler, tabacologue, sur RMC, le 23 octobre 2024.
« S’il n’y avait plus de cigarette, je serais contre la vape. Mais aujourd’hui, elle est une arme antitabac : elle le concurrence, a la plus grande efficacité ou équivalente au meilleur produit antitabagique […] Elle est aussi utile pour ne pas rechuter : quand on est entouré de fumeurs, c’est plus facile de ne pas fumer quand on peut vapoter »
– Témoignage du Pr. Bertrand Dautzenberg, tabacologue, ex-pneumologue et président de Paris Sans Tabac, sur Libération, le 23 octobre 2024.
« C’est une aberration pour la santé publique, tant les preuves scientifiques établissent clairement que ces substituts nicotiniques sont le meilleur moyen d’arrêter de fumer »
– Témoignage du Pr. Antoine Flahault, épidémiologiste, sur X (Twitter), le 23 octobre 2024.
« La priorité est de combattre les méfaits de la combustion. C’est elle qui tue : il y a 75 000 décès par an lié au tabac fumé, des centaines de milliers d’accidents cardiaques, d’insuffisances respiratoires, d’AVC et de cancers qui handicapent les personnes touchées »
– Témoignage du Pr. William Lowenstein, addictologue, sur Libération, le 23 octobre 2024.
Aussi, si la France entend aujourd’hui instaurer une taxe sur les produits du vapotage, c’est qu’elle sait le marché fructueux. En mesure, pour reprendre ses propres mots, de « produire des recettes fiscales estimées entre 150 et 200 millions d’euros par an ».
Une manne financière qui représente autant d’intérêt aujourd’hui que le gouvernement Barnier cherche à tout prix des moyens pour remédier au déficit public.
C’est pourquoi l’amendement CF1865, déposé le 14 octobre 2024 par Charles de Courson, puis accompagné notamment de l’amendement I-302, déposé le 16 octobre 2024 par Karl Olive et de l’amendement I-2885 du 19 octobre 2024, une fois encore signé Charles de Courson, arrivent à point nommé dans le projet de loi de finances (PLF) de l’État pour 2025.
Et ils ne sont pas les seuls, puisque chacun a souhaité apporter sa pierre à l’édifice. Résultat : on ne s’arrête plus à la taxe ni à la vape…
Que prévoit le projet de taxe sur la vape en France exactement ?
La grande proposition de ces amendements ? Ajouter un article spécifique aux liquides de vapotage dans le code des impositions sur les biens et services, après les articles 26 ou 38, stipulant :
« Art. L. 315-2 – Sont soumis à l’accise les liquides destinés à être vaporisés qui sont présents dans les produits du vapotage, qu’ils contiennent ou non de la nicotine.
Autrement dit, imposer une taxe à tout produit du vapotage, nicotiné ou non. Qu’il s’agisse d’une cartouche pré-remplie, d’un e-liquide au format 10 ml, 50 ml ou plus, d’un booster ou d’une base DIY neutre. Seuls les arômes concentrés semblent déroger à la règle, si l’on s’en tient à la définition donnée à l’article L.3513-1 du code de la santé publique [1].
Une bonne nouvelle qui n’en est pas une au vu du futur tarif des bases PG/VG, après application de la taxe…
[1] D’après l’article L.3513-1 du code de la santé publique, sont considérés comme produits du vapotage :
« 1° Les dispositifs électroniques de vapotage, c’est-à-dire des produits, ou tout composant de ces produits, y compris les cartouches, les réservoirs et les dispositifs dépourvus de cartouche ou de réservoir, qui peuvent être utilisés, au moyen d’un embout buccal, pour la consommation de vapeur contenant le cas échéant de la nicotine. Les dispositifs électroniques de vapotage peuvent être jetables ou rechargeables au moyen d’un flacon de recharge et d’un réservoir ou au moyen de cartouches à usage unique ;
2° Les flacons de recharge, c’est-à-dire les récipients renfermant un liquide contenant le cas échéant de la nicotine, qui peuvent être utilisés pour recharger un dispositif électronique de vapotage ».
Une taxe de 0,15 € par millilitre dans les propositions de Charles de Courson et Karl Olive
En deuxième page de ces amendements figure en effet le détail tarifaire de la proposition du député centriste et des députés du groupe Ensemble en matière de taxation :
« Article L. 315-6 – Le tarif de l’accise est fixé à 0,15 euro par millilitre de liquide présent dans un produit du vapotage, que ce liquide contienne ou non de la nicotine.
Ce faisant, le gouvernement s’assurerait de ne laisser s’échapper aucun revenu : tout est taxé sans distinction et au même niveau. Ce qui, de fait, désavantage grandement les gros contenants.
Une cartouche pré-remplie en e-liquide (de 2 ml, conformément à la TPD) ne prendrait ainsi que 30 centimes de taxe. Un e-liquide 10 ml, comprenant également les boosters nicotiniques, 1,5 euro de taxe.
En revanche, les e-liquides grands formats, mais aussi les bases neutres, subiraient :
- 7,5 euros de taxe pour les 50 ml ;
- 15 euros de taxe pour les 100 ml ;
- 30 euros de taxe pour les 200 ml ;
- et jusqu’à 150 euros de taxe pour les contenants d’un litre.
Précisons : le tout, sans compter l’impact de la TVA.
Autant dire, dans ce cas de figure, que de tels formats, à la fois plus économiques et écologiques, seraient tout simplement amenés à disparaitre. Tout comme la fameuse pratique du “fait maison” (le DIY ou Do It Yourself).
Une taxe de 0,05 € par millilitre dans la proposition de Christine Loir
Alors que la proposition de taxe du député centriste Charles de Courson sera mis prochainement à l’étude à l’Assemblée nationale (les débats devraient reprendre dès le 5 novembre 2024), d’autres élus ont décidé de présenter une seconde alternative au gouvernement, dimanche 27 octobre 2024 : une taxe de 0,05 euro par millitre pour tout produit du vapotage. Soit 5 centimes seulement le millilitre, contre 15 centimes à la base.
Ce sous-amendement (I-3760), porté par des membres du Rassemblement National, se propose ainsi de « maintenir cette taxe à un niveau modéré afin de ne pas encourager un retour massif des utilisateurs vers les cigarettes traditionnelles ou d’alimenter de nouveaux marchés illicites ».
L’objectif étant, pour les citer, « d’instaurer une fiscalité équilibrée qui contribue à la lutte contre le tabagisme, tout en réduisant le risque de détournement vers des circuits illégaux et en préservant le rôle des buralistes dans ce marché en pleine mutation ».
D’autres propositions en complément de la taxe
Pour ne rien arranger, la taxe sur la vape n’est pas la seule mesure à figurer au Budget 2025 du gouvernement, côté PLF comme PLFSS – le plan spécifique de financement de la Sécurité sociale.
Dans le PLF
Dans le PLF, toujours en cours d’étude à l’Assemblée à l’heure où nous écrivons ces lignes, est également proposé :
- Un encadrement de la vente (et du monopole) des produits du vapotage et des autres produits nicotinés
Une suggestion faite par deux sous-amendements, déposés le 29 octobre 2024 : celui de Claire Marais-Beuil (I-3770), groupe RN, et celui de Gérard Leseul (I-3771), groupe Socialistes et apparentés.
- Une taxe spécifique aux sachets de nicotine
Un souhait porté par le député centriste Charles de Courson dans son amendement I-2880, qui demande une taxation annuelle progressive des sachets de nicotine “pouches”. Plus précisément, à :
22 euros les 1000 milligrammes au 1er mars 2025
44 euros les 1000 milligrammes au 1er janvier 2026
et 66 euros les 1000 milligrammes à compter du 1er janvier 2027.
Dans le PLFSS
Concernant le PLFSS cette fois, transmis mardi 5 novembre 2024 au Sénat dans sa version initiale, faute de vote en temps imparti par l’Assemblée, voilà ce qu’on en sait :
- Les amendements portant sur la définition et l’encadrement des produits de substitution au tabac dans le code des impositions des biens et des services, après l’article 9, ont tous été rejetés ou non soutenus par l’Assemblée ;
- Un seul sous-amendement a été validé : le n°2416 porté par Charles de Courson, qui vise à interdire les perles et les billes de nicotine, à taxer les sachets de nicotine présentant un taux inférieur ou égal à 16,6 milligrammes et à bannir tous ceux d’un taux supérieur à 16,6 milligrammes.
Cette proposition du député centriste faisait notamment suite à l’annonce de la Ministre de la Santé, mardi 29 octobre 2024, d’interdire définitivement tout forme de nicotine orale non officielle, comme les sachets de nicotine.
Difficile, néanmoins, de savoir si ce sous-amendement sera transmis ou non au Sénat à l’heure actuelle.
Des mesures qui n’ont tout simplement pas lieu d’être
Pour nous autres, acteurs du secteur, mais aussi les différents scientifiques et experts, difficile de croire que de telles mesures aient la moindre pertinence. Qu’importe le montant de la taxe.
Comme l’ont rappelé tour à tour toutes les associations de vapotage, à l’instar de la FIVAPE, de l’AIDUCE ou de France Vapotage, impossible de parler par exemple « d’impact modéré sur les prix ».
Avec une accise à hauteur de 15 centimes le millilitre pour les e-liquides, nicotinés ou non, les prix des produits prendront près de 40 % d’augmentation. Les marges de manœuvre des liquidiers seront de fait réduites, tout comme le pouvoir d’achat des consommateurs.
À 5 centimes l’accise, les répercussions seront moindres, certes, mais n’oublions pas qu’une taxe est toujours vouée à augmenter.
Quant à la taxation ou l’interdiction des sachets de nicotine, ce serait faire fi des bons résultats obtenus en Suède depuis l’intégration pleine et entière de tels produits dans le pays. Soit un taux de fumeurs désormais proche des 5 % (une prévalence tabagique inédite). Et une baisse tout aussi révolutionnaire des taux de maladies et de décès liés au tabagisme.
Aussi, gardons bien à l’esprit qu’aucune mesure ne repose ici sur des arguments valables, sanitairement parlant.
Le sempiternel faux argument de la protection de la jeunesse
Si la députée Les Verts, Eva Sas, a défendu l’importance de soutenir la taxation des produits du vapotage ce 25 octobre dernier, jugeant la vape à la fois comme étant « un outil de sevrage » et « une porte d’entrée dans le tabagisme », le professeur Antoine Flahault lui a très justement rappelé les conclusions des diverses études scientifiques effectuées sur la question. Soit qu’il n’existe « pas de donnée scientifique convaincante soutenant que le vapotage serait une porte d’entrée vers le tabagisme ».
Au contraire, toutes pointent les effets bénéfiques du vapotage sur la chute, rapide et inédite, du tabagisme chez les jeunes [2].
Autrement dit, une taxe sur la vape, quelle qu’elle soit, ne ferait que grandement fragiliser la pratique du vapotage, au profit du tabagisme. Et mener à plus de dangers encore…
[2] Toutes les études sur l’effet passerelle sont disponibles sur la plateforme jesuisvapoteur.org :
- Celle de l’Institut national de recherche britannique sur la santé et les soins (NIHR)
- Celle des chercheuses américaines Delnevo et Villanti
- Celle de l’Institut national du cancer (INCa) et de l’Institut pour la recherche en santé publique (IRESP) dans la Loire (42)
- ou encore celle du Pr. Bertrand Dautzenberg et al.
Entre retour au tabagisme et marché noir
Actuellement en France, les fumeurs quotidiens représentent 12 millions de personnes. Le tabagisme cause toujours 200 morts par jour. À l’année, plus de 70 000 morts.
Le vapotage, quant à lui, permet à plus de 3 millions d’anciens fumeurs de se tenir éloignés du tabac fumé. Reconnu comme 95 % moins nocif que le tabagisme par les autorités de santé britannique [3], il ne déplore aucun mort en 15 ans.
Jugé efficace, plaisant ET économique, il est même le mode de sevrage préféré des Français.es.
Une telle taxe ne va donc pas seulement décourager les fumeurs à passer à la vape, bien moins économique alors. Sans cet argument de taille pour les motiver, elle risque également de renvoyer des vapoteurs vers la cigarette à combustion. Avec les conséquences néfastes que l’on connait…
Ou, tout aussi dangereux encore : de les pousser vers le marché noir. Car l’on sait pertinemment – et depuis longtemps – les effets induits par la taxation. Destinée à augmenter et à suivre l’inflation, elle renforce progressivement les réseaux clandestins de distribution. Les produits qui y sont vendus ne sont en aucun cas conformes aux règles sanitaires établies. Ce qui ne fera que faire prendre des risques démesurés à la population. Et gonfler encore la facture en matière de santé.
Comme dit précédemment, la Suède en a déjà apporté la preuve. Défendre les produits de réduction des risques, c’est lutter pour le retour du bien-être au sein de sa population. Et donc, pour un gouvernement, réduire le fardeau des dépenses liés aux soins de santé.
[3] D’après les rapports annuels officiels du Public Health England, dont le premier remonte à 2015
Tous mobilisés contre la taxe sur la vape en France !
Mettre en place une taxe sur la vape en France n’est en aucun cas un choix judicieux de la part du gouvernement. Les recettes fiscales engendrées seront vite rattrapées (et dépassées) par les dépenses générées par les soins de santé et le besoin de contrôle du marché noir.
Contrairement à la cigarette fumée, le vapotage ne pèse pas sur le système de santé français. Il est l’un des meilleurs moyens d’arrêter de se tuer à petit feu. Plus efficace encore que les patchs nicotiniques. Taxer ses produits, c’est réduire son attractivité auprès des fumeurs, et donc, ses bénéfices en matière de santé. Et rouvrir grand la porte au tabagisme.
👉 Dites-le à vos députés avant qu’il ne soit trop tard : NON à la création d’un droit d’accises et à toute autre mesure qui mettrait en péril votre sevrage tabagique – et celui de tous les fumeurs actuels !
Ça ne sert à rien, dites-vous ?
Et pourtant…
🔥 La mobilisation porte ses fruits ! Ces dernières semaines, au vu du nombre de mails envoyés via JSV, plusieurs députés ont répondu ! Ils nous lisent !
ON NE LÂCHE RIEN